Un questionnement personnel devenu engagement
Je ne m’étais jamais vraiment posé la question du devenir de mon corps après ma mort.
Jusqu’en 2024.
Jusqu’à ce que deux proches disparaissent.
Leur choix, que je respecte profondément, fut l’incinération.
Un adieu qui m’a laissée avec une question lancinante :
est-ce vraiment cela, nos seules options ?
Être réduit·e en cendres ou enfermé·e dans une boîte ?
Plus le temps passe, plus une certitude me gagne :
Je ne veux ni de l’un, ni de l’autre.
Je ne veux pas que mon corps devienne un déchet à éliminer.
Je veux qu’il serve encore. Qu’il donne la vie après la vie.
Qu’il redevienne ce qu’il a toujours été : un maillon du cycle du vivant.
Et si nous arrêtions de traiter notre enveloppe corporelle comme un déchet ?
Et si, au lieu de disparaître, nous offrions notre dernière contribution à la terre ?
Et si l’on choisissait de devenir humus ?
Pourquoi penser autrement nos funérailles ?
Aujourd’hui en France, deux seuls choix s’offrent à nous pour reposer en paix :
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L’inhumation : un cercueil, une tombe, un bout de terrain.
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La crémation : une incinération à haute température, suivie d’une mise en urne.
Mais avez-vous déjà réfléchi à l’impact environnemental de ces pratiques ?
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L’inhumation, souvent réalisée en cercueil étanche ou en caveau bétonné, entrave la décomposition naturelle et libère des substances polluantes (comme la cadavérine ou la putrescine) dans les sols et les nappes phréatiques.
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La crémation, quant à elle, consomme énormément d’énergie et rejette du CO₂ et des particules fines dans l’atmosphère.
C’est un peu absurde, non ?
Passer sa vie à trier ses déchets, composter, protéger la nature…
Et finir en mode pollution finale, sans autre alternative.
Mais il existe une autre voie.
Une troisième option : respectueuse, cohérente et même bénéfique pour les écosystèmes.
👉 C’est l’humusation.
Comment ça se passe concrètement ?
Loin des rites figés et des sépultures minérales, l’humusation propose un retour doux, naturel et progressif à la terre.
Un départ respectueux
Après la cérémonie d’adieu, le corps est installé dans un cercueil réutilisable, enveloppé dans un linceul biodégradable.
Aucun soin de conservation n’est pratiqué, pour laisser la nature faire son œuvre, sans introduire de substances chimiques dans le sol.
Une sépulture régénératrice
Le corps est :
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déposé sur un lit de broyat végétal (copeaux, branches) d’environ 20 cm d’épaisseur,
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puis recouvert de 2 m³ de matières végétales, bien humides et aérées, qui forment une butte de décomposition naturelle.
Chaque couche est arrosée, puis recouverte, pour assurer les bonnes conditions.
En quelques jours, la température grimpe naturellement à 60-65 °C, stérilisant les agents pathogènes tout en préservant l’équilibre biologique.
Le miracle discret de la décomposition
Pendant les semaines qui suivent, une véritable armée invisible se met au travail :
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micro-organismes du sol,
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bactéries,
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champignons,
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insectes décomposeurs…
Tout ce petit monde dégrade les tissus du corps, dans un processus 100 % naturel, sans odeur, sans nuisance, sans artifice.
Au bout de 3 mois, il ne reste plus que les os.
Et les os ?
Ils sont réduits en poudre, comme cela se fait déjà après une crémation.
Mais ici, les minéraux essentiels sont réintégrés dans la butte, pour enrichir le futur humus.
L’humus, un terreau pour la vie
Après environ un an, tout a été transformé.
Ce qu’il reste du corps est devenu un humus vivant, fertile et nourricier.
Il peut nourrir un arbre planté à la mémoire du défunt dans un bois du souvenir,
C’est un rituel nouveau, respectueux et profondément écologique, qui donne du sens à la fin de vie.
Une alternative pleine de sens, porteuse de vie
🌍 Une réponse aux enjeux environnementaux
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Zéro cercueil à fabriquer,
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Zéro énergie pour brûler ou entretenir un caveau,
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Zéro pollution : ni dans l’air, ni dans l’eau, ni dans les sols,
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Et surtout : création de matière vivante au lieu de déchets.
Face à un modèle funéraire souvent coûteux et rigide, l’humusation est une solution sobre, cohérente et régénératrice.
🌳 Un dernier geste pour la Terre
Revenir à la terre, ce n’est pas disparaître.
C’est nourrir la vie à venir : arbres, vers, bactéries, champignons, forêts...
C’est offrir son corps comme ressource fertile, dans un geste profondément symbolique et altruiste.
Contrairement à certaines idées reçues, ce processus sera digne, suivi, encadré.
Les sites d’humusation seront des lieux végétalisés, paisibles, accessibles au recueillement.
🧭 Une cohérence éthique et spirituelle
L’humusation, c’est :
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un alignement entre convictions écologiques et dernières volontés,
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une nouvelle liberté de choix,
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et une trace fertile, plutôt qu’un tombeau.
Pourquoi cette pratique est-elle encore interdite en France ?
C’est la question que beaucoup finissent par se poser :
« Si tout cela a du sens, pourquoi est-ce encore illégal ? »
⚖️ Un cadre juridique encore figé
Selon l’article 16-1-1 du Code civil, « les restes des personnes décédées [...] doivent être traités avec respect, dignité et décence ».
Mais la notion de « restes » n’inclut pas, à ce jour, la matière organique rendue à la terre.
Aucune expérimentation sur des corps humains n’est autorisée.
Un paradoxe : on demande des preuves scientifiques, mais on empêche la recherche.
🌍 Et ailleurs ?
D’autres pays avancent :
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Canada : le compostage animal est autorisé depuis 20 ans.
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États-Unis : la « réduction organique naturelle » est légalisée dans plusieurs États.
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Belgique : des essais encadrés ont eu lieu, sous l’impulsion de la fondation Métamorphose.
Et en France ?
On observe… mais on n’agit pas encore.
Des citoyens et associations qui s’engagent
Heureusement, les choses évoluent grâce à l’action collective.
L’association Humusation France milite pour :
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faire connaître cette pratique au grand public, aux élus, aux acteurs funéraires,
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obtenir le droit d’expérimenter en France,
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et faire reconnaître l’humusation comme troisième voie funéraire légale.
Sa vision : donner le choix, sans l’imposer.
Parce que mourir autrement ne devrait pas être interdit, quand cela permet de vivre en cohérence jusqu’au bout.
Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
Parce que l’humusation existe dans les faits, mais pas encore dans le droit…
Parce qu’il ne suffit pas d’y croire : il faut agir.
💡 Ce que vous pouvez faire :
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🔎 Vous informer sur le site Humusation France : https://humusationfrance.org/
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🗣 En parler autour de vous : chaque conversation compte
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💚 Soutenir une association engagée
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✍️ Faire connaître vos dernières volontés
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📣 Interpeller les élus locaux et les parlementaires
Mon engagement personnel
Je crois profondément que cette pratique doit voir le jour dans un cadre encadré, professionnel, et respectueux.
C’est pourquoi je m’implique en région Champagne-Ardenne, pour faire connaître l’humusation et stimuler la réflexion collective.
📍 En 2025, j’ai tenu un stand au Salon Tendance Nature à Reims : pour expliquer, écouter, semer des idées.
Parce que c’est en créant des ponts entre vivants, nature et institutions qu’on fait évoluer les lois.
En conclusion
Nous ne sommes pas poussière.
Nous sommes matière vivante, faite pour retourner à la terre.
Pas pour être enfermée.
Pas pour être brûlée.
Mais pour nourrir, fertiliser, transmettre.
Et vous ?
À qui aimeriez-vous offrir votre dernière contribution :
à un cercueil, à une flamme… ou à la Terre ?